LES NOUVELLES TENDANCES DU MANAGEMENT[1]

C’est une banalité, depuis une décennie le management est confronté à de multiples changements dus à un environnement incertain et complexe et à des évolutions technologiques ? Comme le précise Gary Hamel[2] « le changement a changé » : il est plus rapide et plus profond que précédemment. Comment alors s’adapter ?

En réponse, les nouvelles tendances du management sont en train de se dessiner : une plus grande autonomisation des personnels impliquant le développement continu des compétences, la nécessité pour les responsables[3] d’être « adaptatifs », l’attente d’une politique de responsabilité sociale et environnementale (RSE) ouvrant une place importante à la diversité, au multiculturalisme et à l’inclusion. Sans oublier les valeurs portées par les nouvelles générations qui sont à la recherche d’expériences enrichissantes, c’est même pour elles un critère important pour choisir un emploi et y demeurer.

L’enjeu pour le management est donc de répondre à cette complexité !

Une plus grande autonomisation des personnels

L’autonomie suppose que les personnels soient formés et outillés pour agir de manière efficace. Or, l’autonomie ne se décrète pas, elle se construit et s’accompagne pas à pas.

La professionnalisation reste la clé de voute de l’autonomie. Un des enjeux de la professionnalisation est de proposer des contenus de formation centrés sur l’activité réelle en s’éloignant d’une transmission de connaissances sans prise en compte de la réalité du poste de travail. En deux mots, afin de répondre à la complexité et à la diversité des situations de travail, il convient de rompre avec une simple formation théorique, et de réhabiliter les savoirs d’expérience qui se construisent dans l’action.

Ce constat amène à privilégier de courtes séquences de formation qui perturbent peu le rythme de travail, mais qui au contraire, permettent de conforter des compétences en continu directement dans le contexte professionnel.

L’opacité et la lenteur des décisions, les silos de communication sont des critiques souvent mis en avant qui entravent la construction de l’autonomie. Dans ces conditions, les établissements ne peuvent plus conserver des chaînes de décisions trop longues, engendrant des délais trop importants, et le danger de l’éloignement du terrain. Il convient de privilégier les décisions et les actions rapides, agiles et proches des préoccupations des personnels et des usagers. Cette agilité est un indicateur de la capacité d’écoute de l’environnement de l’établissement. Le management doit donc pratiquer un décisionnel collaboratif et ne pas hésiter à présenter ses erreurs comme des enseignements ? À ce propos Nelson Mandela disait : « Je ne perds jamais, je gagne ou j’apprends ».

L’humain étant au cœur des stratégies d’autonomisation, c’est pourquoi il est important de pratiquer un management bienveillant qui consiste à accompagner les personnes par une attitude positive basée sur l’écoute et le respect. L’enjeu est de leur permettre de se sentir bien, que ce soit au niveau de leur réussite, mais aussi de leur santé. Ce type de management sous-tend un très haut niveau de confiance mutuelle : la confiance du responsable dans sa capacité à transmettre la vision de l’avenir et à se rendre disponible pour accompagner les personnels ; la confiance des personnels en leur propre capacité à faire face aux difficultés de manière autonome en construisant des compétences pointues.

Des responsables « adaptatifs » capables de donner du sens au travail

Ce mode d’organisation implique de redéfinir la place et le rôle des responsables. La motivation d’un responsable doit être fondée sur un désir d’action et non de reconnaissance sociale. En fait, la fonction première d’un responsable est de donner un sens à l’activité et une direction au travail, à guider les personnes, à les aider à développer leurs compétences et à les mettre dans les meilleures conditions possibles afin qu’elles puissent fournir un travail de qualité.

Le responsable va ainsi s’assurer que les personnes comprennent « pourquoi » elles travaillent, et leur laisser toute latitude pour déterminer « comment » s’organiser. Le « comment » pourra différer d’un service à l’autre, d’une équipe à l’autre ; chacun et chacune s’organisant en fonction de ses besoins, de ses contraintes et des compétences disponibles. Il y aura donc un seul « pourquoi » et plusieurs « comment ».

Le rôle du responsable est en réalité une somme de rôles parmi lesquels la prise de décision est une des composantes essentielles. Le management oblige à prendre des décisions particulièrement complexes et parfois contraignantes. Tôt ou tard, le responsable devra aussi intervenir dans un conflit entre une ou plusieurs personnes. Mieux vaut-y être préparé ! À ce stade les compétences en matière de communication sont essentielles. Dans ce cas le relationnel et l’explication des raisons de la décision sont des passages importants pour éviter les frustrations.

Lorsqu’un responsable prend la tête d’un établissement, d’une équipe, chacun de ses gestes, chacune de ses prises de paroles sont analysés. Avoir une éthique professionnelle irréprochable ainsi que la capacité à donner l’exemple sont deux « soft skills [4]» primordiales. Il doit s’appuyer obligatoirement sur des habiletés d’analyse des informations afin de les recouper, de les contextualiser et de leur donner du sens. Ce qui ne doit pas l’empêcher par l’esprit critique de remettre en cause les certitudes. Sans oublier la nécessaire aptitude à interagir avec ses collègues, les personnels et les partenaires. Enfin, il ne peut avancer sans des connaissances en lien avec la fonction managériale – finances, RH, immobilier, logistique, numérique…, et dans le domaine scientifique, dans le domaine des programmes de formation, de la didactique et de la pédagogie[5], dans l’enseignement supérieur : ce sont des conditions nécessaires pour assoir sa légitimité, gagner le respect des personnels et donner de la crédibilité à ses décisions pour développer des stratégies pertinentes.

Article rédigé par Pierre Stoecklin, ancien directeur général des services de l’INSA Toulouse.


[1] Il existe un nombre important de définitions du management. En français le terme « manager » est ancien et a été oublié, il signifiait gérer, administrer, diriger. Il a repris du sens en franchissant la Manche et l’Atlantique. Aujourd’hui les chercheurs s’accordent pour le définir comme la faculté de piloter, organiser, animer, diriger et contrôler pour atteindre des objectifs.

[2] Gary Hamel a été professeur invité à Harvard et à Londres ; il a fondé et présidé un cabinet international de conseil en management.

[3] Responsables : dans cet article sont visés sous ce vocable les cadres dirigeants responsables de la performance de l’établissement (directeur, DGS…) et les cadres fonctionnels qui supervisent un secteur de l’établissement (directeurs de services…).

[4] Par opposition aux « hard skills », compétences techniques, les « soft skills » sont les qualités humaines :
-Traits de personnalité internes : confiance en soi, recul, stabilité émotionnelle, créativité, capacité d’écoute…
-Traits de personnalité externes (autrement dit les relations interpersonnelles) : facilité à communiquer, capacité à travailler en équipe, capacité à dialoguer, sens de l’efficacité, adaptation…

[5] La pédagogie est la manière d’enseigner en salle de cours, elle est centrée sur l’apprenant ; la didactique est centrée sur les savoirs.