Les trois dernières semaines ont été marquées par un engagement de plus en fort des scientifiques dans la lutte contre le dérèglement climatique, sous la forme d’actions de désobéissance civile non violente, de conférences dans l’espace public, ou d’actions visant à interpeller les décideurs. Ces actions ont été organisées par le collectif international Scientist Rebellion et sa branche française Scientifiques en rébellion. Des scientifiques de toute l’Europe ont dans un premier temps convergé vers l’Allemagne, et ont mené à partir du 16 octobre plusieurs actions de blocage ou d’interpellation, s’engluant devant des bâtiments officiels (ministère des Transports, ministère des Finances), déclenchant l’alarme incendie lors du discours du chancelier allemand au Sommet Mondial de la Santé, ou occupant le pavillon Porsche d’un centre de loisirs dédié à l’automobile. Leurs actions étaient accompagnées de demandes auprès de l’État allemand de prendre des mesures visant à décarboner le transport, annuler la dette des pays du Sud, et reconnaître l’échec de sa politique climatique.
En parallèle et en soutien aux actions en Allemagne, une centaine de scientifiques ont mené en France des actions les 14 et 15 octobre. À Nice et Montpellier des conférences ont été organisées sur des places publiques, rappelant que les politiques actuelles ne sont pas à la hauteur des enjeux. À Toulouse, une table ronde organisée par la métropole et à laquelle était convié Total Énergies fut interrompue et une conférence interpellant les protagonistes fut donnée. À Paris, des scientifiques en rébellion se sont invité·es à Sorbonne Université à l’occasion de la Fête de la science.
Cette semaine, les scientifiques européens ont convergé vers Munich. Ils et elles se sont englué·es dans les locaux de la banque d’investissement Black Rock le 25 octobre, ont bloqué un axe routier majeur le lendemain, et se sont englués à des automobiles de luxe dans un showroom BMW le 29 octobre. Pour cette dernière action, 16 membres de Scientist Rebellion ont été placés en détention provisoire jusqu’au 4 novembre. Parmi les scientifiques actuellement en prison, se trouvent les Français Sylvain Kuppel, spécialiste toulousain des ressources hydriques (membre du GET, à droite sur la photo), Jérôme Guilet, astrophysicien à Saclay, Hugo Raguet, chercheur en informatique à Blois et Marceau Minot docteur en écologie de l’université de Rouen. Les scientifiques qui ont mené cette action avaient conscience que cette dernière risquait de les conduire en prison, mais étaient prêt·es à cela pour dénoncer l’inaction climatique.
Le collectif Scientist Rebellion a également rendu public cette semaine un texte signé par plus de 1000 scientifiques, dont plusieurs co-auteurs ou co-autrices du GIEC, affirmant que l’objectif de contenir le réchauffement climatique en-dessous de 1.5°C est désormais hors d’atteinte, illustrant ainsi l’échec des politiques climatiques mondiales. Ils demandent à l’ensemble de leurs collègues de le reconnaitre également, et de dire la vérité sur l’ampleur de l’effort nécessaire pour rester « bien en-dessous de 2°C » comme le prévoit l’accord de Paris de 2015. Cette lettre a été suivie par la publication d’un rapport de l’ONU constatant qu’il n’y a, en effet, plus de trajectoire possible pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5°C et que seulement un changement urgent et drastique du système peut encore éviter un désastre climatique.
Dans un texte de 4 pages, disponible en ligne, les scientifiques français ayant participé aux actions expliquent leurs motivations, leur positionnement et leurs interrogations. Ces scientifiques considèrent que, tant que la trajectoire du business-as-usual continue, « [leurs] actions de désobéissance civile seront légitimes », rappelant que « cinq décennies d’alertes sans résultat, c’est bien trop ! ». Selon eux, «loin de ternir [leur] crédibilité, (…) [se] lancer dans ces actions ne peut que renforcer la confiance que les citoyen·nes auront dans le contenu de [leurs] messages».
En solidarité avec leurs collègues en détention, des scientifiques se sont réunis le mercredi 2 novembre 2022 à 18h devant l’ambassade d’Allemagne à Paris pour appeler le gouvernement allemand, et ceux des autres pays européens, à prendre leurs responsabilités: c’est-à-dire reconnaître l’échec et l’insuffisance radicale de leur politique climatique actuelle, et commencer une politique à la hauteur des enjeux, plutôt que de placer en détention des scientifiques et de continuer à nier l’ampleur de la crise en cours.
Informations complémentaires :
Les communiqués de presse de Scientist Rebellion, relatant chaque action menée en Allemagne, peuvent être trouvés ici.
Le communiqué de presse de Scientifiques en rébellion concernant les actions en France peut être trouvé ici.
Les vidéos (sous-titrées) qu’ont tournées les scientifiques actuellement en prison : ici (youtube) et ici (Twitter).