Cher-e collègue,

Depuis février 2021, nous partageons dans les conseils de l’établissement l’ambition de l’INSA Toulouse et de l’ensemble des autres INSA de rénover notre modèle social.

Grâce à l’Institut Gaston Berger et au Centre Gaston Berger de Toulouse, nous avons porté un diagnostic qui montre, sur plusieurs années, une dégradation de notre ouverture sociale et des réussites des diversités sur nos campus. Nous perdons entre 0.5 et 1 point de pourcentage de boursiers par an. 67 % de nos étudiants ont au moins un parent de Profession et Catégorie Socioprofessionnelle (PCS) très favorisée. Seulement 3.4 % de nos étudiants ont les deux parents de PCS très défavorisées, avec une baisse de 55 % ces 5 dernières années. Et malgré les dispositifs d’aides nationales et locales, 10 % de nos étudiants sont obligés de travailler pendant leurs études, pour subvenir aux premiers besoins. Et plus interrogeant encore, nos analyses montrent que nos étudiants en fragilité financière (boursiers CROUS niveau 5, 6 et 7) ont un taux de réussite en 1A de 10 points inférieur à la moyenne de leurs camarades.

La force de l’INSA est son objet social, cette capacité reconnue et unique en France de conjuguer l’excellence de formation et de recherche avec l’ouverture sociale, dans un modèle résolument inclusif. C’est ce qui nous différencie et nous rend fiers.

Si nous n’agissons pas, notre prétendu modèle ne sera qu’une façade, nous serons acteurs malgré nous d’une forme d’assignation sociale et nous serons simple témoins d’une fracture sociale.

Alors, nous nous proposons d’agir, collectivement. Des commissions intra-INSA et inter-INSA produisent un travail profond pour interroger l’existant et penser des actions en rupture.

Ensemble, nous réfléchissons à de nouveaux programmes dans les collèges et les lycées, péri-urbains et ruraux, pour accompagner une jeunesse porteuse d’un potentiel empêché par un environnement moins favorisé. Ensemble, nous réfléchissons à de nouvelles modalités de recrutements pour que l’environnement socioculturel d’un candidat ne soit pas discriminant. Ensemble, nous réfléchissons à des bourses de vie pour une totale gratuité des études. Et enfin, ensemble, nous réfléchissons à soutenir davantage les équipes pédagogiques et administratives pour la réussite de toutes les diversités, avec un environnement éducatif qualitatif au bénéfice de tous.

Pour que cette ambition soit transformante, il nous faut des moyens. Aujourd’hui, le soutien du MESRI maintient sous perfusion une fragilité financière qui nous conduit à une lente dégradation de notre capacité d’agir. Et ce n’est qu’au prix d’un engagement remarquable de chacun d’entre nous, que nous préservons l’essentiel de ce que nous sommes.

Alors ensemble, et au sein de la commission Inter-INSA, nous réfléchissons à des nouvelles modalités d’interpeler la puissance publique pour que notre modèle inclusif soit spécifiquement soutenu. Nous travaillons aussi à des programmes d’engagements d’alumni pour une solidarité intergénérationnelle. Nous pensons également de nouveaux programmes de mécénats pour des entreprises qui ont aussi compris que leurs organisations ont besoin de diversités. Et puis enfin, nous adressons le sujet des droits d’inscription différenciés en fonction des revenus fiscaux de référence des parents ou responsables légaux, et plafonnés par l’État. Les plus favorisés des étudiants contribueraient davantage, au bénéfice de tous, des classes moyennes et classes défavorisées et d’eux-mêmes, dans un environnement qualitatif. Les étudiants provenant des familles les plus précaires, ainsi que les étudiants venant de familles aux revenus « moyens » seraient intégralement exonérés des droits d’inscription ou bien ces derniers resteraient les mêmes qu’actuellement, soit 601 €. Ils seraient cependant bénéficiaires de tout ou partie des mécanismes de soutien évoqués ci-dessus ainsi que des mesures d’accompagnement à la scolarité, à la culture et à l’insertion professionnelle bien plus développées qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Alors, si nous parvenons à restaurer de la mixité sociale dans un environnement d’excellence académique, à travers une stratégie d’actions et de moyens totalement novatrice, nous renouerons avec l’esprit pionnier du modèle INSA.

Entendons-nous bien, nous ne sommes en rien sur un vernis ou bien de faux-semblants. Tournons le dos aux entreprises de désinformations, posons-nous ensemble les questions essentielles.

Beaucoup de matières sont déjà rassemblées (https://moodle.insa-toulouse.fr/enrol/index.php?id=1735, http://hebdo.insa-toulouse.fr/?cat=326) et de tout cela, nous continuerons d’en débattre.

Bien cordialement,
Bertrand Raquet
Directeur INSA Toulouse