Paris le 1er décembre

Mesdames, Messieurs les membres, titulaires, contractuels ou doctorants de la communauté de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,

Nous traversons une période difficile.

La crise sanitaire éprouve chacun d’entre vous, la situation des étudiants est particulièrement préoccupante et ce nouveau confinement a fortement perturbé vos conditions de travail. Je mesure votre engagement quotidien pour faire vivre le service public de l’enseignement supérieur ainsi que notre recherche et d’emblée, je souhaite vous en remercier au nom du Gouvernement.

La crise n’est pas terminée et les prochaines semaines seront déterminantes afin que nous puissions envisager l’ année à venir plus sereinement que celle qui s’ achève.

Malgré l’épreuve que nous traversons, le Président de la République et le Gouvernement se sont mobilisés afin de mieux soutenir notre recherche publique tant dans les organismes de recherche que dans les universités et l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, et c’est un acte fort pour le futur de notre Nation.

Annoncé le 1er février 2019 par le Premier ministre, le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 a été définitivement adopté par le Parlement le 20 novembre dernier. Ce projet de loi entrera en vigueur dans quelques semaines, après que le Conseil constitutionnel se sera prononcé sur certaines de ses dispositions.

Avant même que ce projet ne devienne une loi de la République, je tenais à m’adresser à vous personnellement afin de vous dire ce que ce texte va améliorer dans votre quotidien.

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La programmation de la recherche est d’abord une réponse au besoin de financement massif dont notre recherche a besoin.

Cela fait plus de 20 ans que le constat du sous-financement de notre recherche publique est posé et partagé. Cela fait autant d’années que beaucoup d’entre vous souffrent de ne pas disposer des moyens nécessaires à votre travail et de ne pas être reconnus à la hauteur de votre mérite.

Au cours de la dernière décennie, notre recherche a souffert d’une stagnation budgétaire qui est venue réduire les moyens dont vous avez besoin chaque jour pour travailler, vos perspectives d’évolutions salariales et professionnelles et donc le rayonnement et l’attractivité de notre recherche, y compris à l’endroit des prochaines générations. Vous avez su faire face à ces années d’appauvrissement budgétaire et c’est grâce à votre engagement que notre pays continue de faire avancer le front des connaissances dans tous les domaines.

Depuis plusieurs mois, plusieurs instances m’ont fait part de leurs interrogations et parfois de leurs doutes quand à la trajectoire financière proposée et son niveau d’ambition. Vous avez raison d’être exigeant, à cet égard aussi je tiens à vous apporter toutes les garanties sur ce sujet.

La programmation de la recherche investira près de 25 milliards d’euros supplémentaires en faveur de la recherche publique au cours des 10 prochaines années. Cet effort spécifique permettra de redonner de la visibilité, du temps et des leviers d’actions dans le cadre de vos travaux. Dès l’année prochaine, les moyens budgétaires dont bénéficiera le ministère augmenteront de 606 millions d’euros supplémentaires dont 400 dans le cadre de la programmation de la recherche. En 2022, la programmation de la recherche y rajoutera une nouvelle hausse de 800 millions d’euros, soit 1,2 milliards d’euros supplémentaires en deux ans.

Par ailleurs, la programmation permettra d’articuler les moyens du plan de relance dont les 6,4 milliards d’euros fléchés sur la recherche et l’enseignement supérieur qui seront engagés au cours des deux prochaines années viendront en plus des crédits de la programmation de la recherche. Il en va de même de l’investissement dans les équipements de recherche que j’annoncerai dans les toutes prochaines semaines, du prochain contrat de plan Etat Région. Au cours des deux prochaines années, c’est donc près de 8 milliards d’euros qui viendront soutenir votre engagement quotidien au service de la recherche. Le Gouvernement a souhaité réaliser cet effort en faveur de la recherche car chacun mesure que c’est dès à présent que l’avenir de notre pays se dessine.

La programmation permettra dès l’année prochaine de rehausser les moyens de base des laboratoires de 10% supplémentaires. Cet effort sera porté à 25% supplémentaires dès 2023. C’est la première fois depuis plus de vingt ans que les moyens de base des laboratoires ne sont pas revus à la baisse, cela indépendamment des mesures de revalorisations salariales et de créations de postes.

En effet, notre pays souffre d’un défaut de financement généralisé qu’il s’agisse du financement de base ou du financement par appel à projet. Nombre d’entre vous subissent depuis de nombreuses années des taux de succès trop faibles à l’ ANR, des appels à projets construits sans prendre en compte vos spécificités disciplinaires, des démarches administratives aussi lourdes que longues et qui ne sont finalement pas couronnées de succès.

La programmation de la recherche permettra de porter le taux de succès à l’ ANR à 30% dans les prochaines années. Dès l’année prochaine, ce taux sera réhaussé de 17% à 23% et le préciput, c’est dire la part revenant à vos établissements et organismes d’emploi, à 25% dont 2% affectés au laboratoire abritant une équipe lauréate. La part dédiée au préciput atteindra 40% d’ici 2027, permettant de mieux accompagner le financement des politiques de sites, des politiques scientifiques des établissements, ce qui contribuera à mieux financer en base les unités de recherche et les laboratoires, partout sur le territoire. Toutes les universités en bénéficieront.

A l’occasion de la programmation de la recherche, j’ai souhaité engager un chantier de simplification qui réduira les démarches nécessaires à l’obtention d’un financement sur projet, de synchroniser les calendriers et surtout de mieux prendre en compte les besoins et les spécificités de toutes les disciplines et de toutes les formes de recherche qu’il s’agisse de disciplines très fondamentales, des sciences expérimentales ou des sciences humaines et sociales. Pour cela, l’ANR travaillera dès l’année prochaine à ouvrir davantage d’appels à projets, non fléchés.

Le texte définitivement voté par le Parlement prévoit par ailleurs une réactualisation de l’engagement de l’État à vos côtés tous les trois ans. Nous disposons désormais d’un cadre dans la loi qui permettra au Parlement de se prononcer régulièrement s’agissant du financement de la recherche et d’en consolider les moyens à l’instar de ce qui existe déjà depuis près de douze ans pour la défense nationale à travers la loi de programmation militaire. La programmation n’est donc pas le solde tout compte de ce que la Nation et l’État doivent à votre engagement, mais la définition d’un cadre qui nous permettra de ne plus connaitre l’assèchement budgétaire que nous avons subis pendant si longtemps.

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La programmation de la recherche engage par ailleurs une nouvelle donne au service de l’attractivité des métiers de la recherche en vue de faire émerger une nouvelle génération de scientifiques.

Ainsi la programmation permettra de lancer, dès l’année prochaine, le plus grand plan de revalorisation indemnitaire jamais engagé s’agissant des métiers de la recherche, cela dans le cadre spécifique et distinct de l’accord « rémunérations et carrières » signé le 12 octobre dernier à Matignon en présence du Premier ministre avec le SNPTES, le SGEN-CFDT et l’UNSA. Près de 2,5 milliards d’euros permettront au cours des sept prochaines années de relever significativement et d’harmoniser vos régimes indemnitaires. Cet accord permettra également d’ouvrir une deuxième phase de revalorisation entre 2027 et 2030 pour vous porter, avant la fin de la décennie, au même niveau de rémunération que les corps comparables de la fonction publique de l’État.

Dès l’année prochaine, dans cette logique de convergence et en donnant une priorité aux rémunérations les plus faibles, un maître de conférences titulaire percevra 1000 euros d’indemnités supplémentaires en moyenne et les chargés de recherche percevront 1300 euros de plus. Dans sept ans, la revalorisation des chercheurs et des enseignants-chercheurs sera de

7000 à 8000 euros en moyenne, soit l’équivalent d’un treizième ou d’un quatorzième mois pour les plus jeunes. Près de 80% de cette revalorisation sera de nature statutaire (63%) ou fonctionnelle (17%). Dans le cadre de l’accord « rémunérations et carrières », la part individuelle des revalorisations a été limitée à 20% tout en étant assortie de garanties pour une répartition plus large, plus juste, plus transparente et permettant de rendre compte de la totalité de vos compétences et de vos mérites.

Toutes les filières et l’ensemble des corps ministériels bénéficieront tout au long des sept prochaines années de revalorisations ainsi que les agents contractuels. Cette revalorisation de la fonction publique de recherche sera accompagnée de mesures de revalorisation salariale et d’attractivité dans les EPIC.

Le projet de loi en lui-même porte de nombreuses dispositions qui permettront d’apporter aux générations qui feront la force de notre recherche dans les années à venir, plus de garanties et de sécurité au quotidien .

Pour la première fois, le Gouvernement s’engage en faveur du doctorat. Les contrats doctoraux seront revalorisés progressivement de 30% d’ici 2023 et leur nombre augmentera de 20% au cours de la programmation. L’objectif est de parvenir, avec les collectivités territoriales, les entreprises et les associations qui contribuent à financer les contrats doctoraux, à proposer une solution de financement à l’ensemble des doctorants avant le terme de la programmation et cela dans l’ensemble des disciplines, notamment dans le domaine des humanités ou des sciences humaines et sociales. Un contrat doctoral de droit privé permettra de mieux accompagner les doctorants souhaitant réaliser leur thèse au sein d’un établissement public industriel et commercial, d’une fondation, d’une association ou d’une entreprise.

Afin de répondre à la précarité qui frappe un trop grand nombre de jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs, la programmation de la recherche permettra la création d’un cadre juridique sécurisant et adapté pour le post-doctorat qu’il soit réalisé au sein d’un organisme, d’une université, d’un établissement public industriel et commercial ou d’une entreprise.

Le CDI de mission scientifique mettra fin à la précarité qui découlait de la loi Sauvadet en permettant de mettre en place un CDI sur ressources propres dans le cadre d’un projet défini.

Les vacataires dont la situation est unanimement dénoncée depuis des années seront mensualisés avant le mois de septembre 2022.

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L’entrée dans la carrière scientifique sera facilitée par différents dispositifs.

 Plus aucun maître de conférence ou chargé de recherche ne sera plus recruté à moins de 2 SMIC. Leurs conditions de classement seront améliorées. Les maîtres de conférences et chargés de recherche recrutés récemment bénéficieront de mesures spécifiques de rattrapage afin d’éviter tout enjambement de carrières.

Chaque nouveau recruté dans le corps des maîtres de conférences ou dans un corps de chargé de recherche bénéficiera d’un accompagnement de 10 000 euros en moyenne pour commencer ses travaux de recherche.

Notre pays ne compte pas assez d’ enseignants-chercheurs. La programmation prévoit ainsi la création de 5200 emplois sous plafond dont une large majorité de postes de titulaires.

Des chaires de professeurs junior pourront être ouvertes, à la demande des établissements, dans la limite de 20% des recrutements annuels dans les organismes de recherche et de 15% dans les universités afin de permettre à certains profils de rejoindre plus facilement la carrière académique dans le cadre d’un contrat de pré-titularisation avant une intégration dans les corps des professeurs ou des directeurs de recherche.

Mon objectif a également été de reconnaître le rôle qu’ont joué pendant des  années  de  nombreux maîtres de conférences expérimentés et qui n’ arrivent pas aujourd’hui à accéder au corps des professeurs. Une première mesure, dans le cadre de l’ accord négocié avec les partenaires sociaux, permettra sur la durée de la loi de programmation à 2000 maitres de conférences de devenir professeurs par une voie d’accès réservée aux ¾ à ceux qui sont hors classe et pour le reste aux maitres de conférences de classe normale ayant plus de 10 ans d’ancienneté.

Dans le cadre de l’accord du 12 octobre dernier, les chercheurs bénéficieront, au sein des organismes de recherche de 1450 possibilités de promotions de grade supplémentaires de manière à rapprocher les corps des chargés de recherche et des directeurs de recherche de la dynamique réelle qui existe en la matière chez les enseignants-chercheurs depuis une dizaine d’années.

Les chargés de recherche de classe normale bénéficieront ainsi de 500 possibilités supplémentaires d’accès à la hors classe. Chez les directeurs de recherche, 300 promotions supplémentaires vers la classe exceptionnelle de niveau 1 seront ouvertes et 450 vers la classe exceptionnelle de niveau 2.

Par ailleurs, la grille indiciaire des chargés de recherche hors-classe sera prolongée à la hors échelle B par l’instauration d’un échelon exceptionnel contingenté à 10  %  des  effectifs  du corps à l’instar de ce qui existe pour les maîtres de conférences.

Enfin, la programmation permettra la mise en œuvre d’une vaste opération de repyramidage de l’emploi au sein de la filière ITRF. Ce plan permettra de requalifier 4 650 emplois dans toutes les BAP qui concourent au développement de la recherche ou de fonctions d’appui à l’enseignement : 2 500 emplois de catégorie C en catégorie B ; 1 450 emplois de catégorie B en assistant ingénieurs (niveau ASI) ; 600 emplois d’ASI en ingénieur d’études (IGE) ; 100 emplois d’IGE en ingénieurs de recherche.

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Le processus de recrutement des enseignants-chercheurs sera simplifié, cela dans le sens de plus d’équité et de transparence à chaque étape de la procédure.

La relation entre le CNU et l’autonomie des établissements interroge notre communauté depuis de nombreuses années. Pour répondre à l’ ensemble des questions posées à ce sujet, je songe, par exemple, au fonctionnement des comités de spécialistes dans les établissements, j’ouvrirai prochainement une large concertation en vue d’une révision de la procédure de recrutement dans son ensemble.

Tout le temps nécessaire sera pris afin de déterminer un juste point d’équilibre entre l’expression du besoin de recrutement des établissements et la garantie de l’exigence scientifique pour accéder aux corps des enseignants-chercheurs.

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Au-delà du concert médiatique, vous l’aurez compris, la programmation de la recherche a été préparée et travaillée de manière à répondre à vos attentes, tout en nous redonnant des perspectives et de la visibilité sur le plan des moyens. C’est désormais dans le domaine de la réalisation que la programmation fera sentir ses effets et je ne doute pas que c’est sur la durée que ce texte démontrera son importance au service de toutes celles et ceux qui font vivre la recherche au service de notre pays.

Veuillez recevoir, Mesdames, Messieurs, l’expression de ma plus haute considération.

Frédérique VIDAL