Des chercheurs de TBI ont étudié les réactions enzymatiques réalisées par des phytoène désaturases dans différentes conditions biologiques. Les résultats ont mis en valeur que les réactions réalisées par ces enzymes sont modifiées de façon assez marquante par l’environnement (dans ou hors de la cellule, présence ou non d’autres enzymes) dans lequel les réactions sont réalisées.

Ces résultats prennent une signification importante pour la classification des enzymes, mais également lorsqu’elles sont insérées dans un microorganisme pour produire des molécules. Finalement, cela revient à dire que la nomenclature enzymatique (ici celle des phytoène désaturases) ne permet pas forcément de définir les fonctionnalités des enzymes lorsque celles-ci sont utilisées dans des applications biotechnologiques.

Ces résultats ont été publiés dans Scientific Report, du groupe Nature, le 3 décembre 2020.

Les enzymes sont ces merveilleuses usines qui permettent de faire les réactions chimiques du vivant. Elles sont classées, en fonction des réactions qu’elles catalysent, en une myriade de catégories : une série de quatre nombres séparés par des points et débutant par EC ; par exemple, EC 1.3.99.28. L’assignation de cette classification peut être faite soit par analyse de la réaction effectuée par l’enzyme lorsque celle-ci est isolée de son contexte cellulaire soit par comparaison de sa séquence avec d’autres enzymes, proches mais issues d’autres organismes. Deux enzymes portants des nombres différents peuvent éventuellement réaliser des réactions similaires, mais pas identiques. Le laboratoire Toulouse Biotechnology Institute, s’intéresse tout particulièrement aux enzymes, notamment pour reconstruire des microorganismes capables de produire, à moindre coût et via des procédés moins polluants, toutes sortes de molécules issues ou non du vivant.

Une équipe s’intéresse tout particulièrement à la synthèse du β-carotène, molécule plateforme précurseur de la vitamine A mais également de nombreuses autres molécules ayant potentiellement des actions médicamenteuses (caroténoïdes, xanthophylles). La biosynthèse de β-carotène fait intervenir plusieurs enzymes, dont une qui se nomme la phytoène désaturase. Il existe plusieurs sortes de phytoène désaturase, elles sont regroupées en 4 classes qui correspondent au nombre de réactions qu’elles sont capables de réaliser (2, 3, 4 ou 5 réactions). Les 4 classes portent donc des numéros différents, ce qui permet théoriquement de trouver immédiatement quelle réaction fait telle ou telle enzyme, en se basant uniquement sur son numéro EC.

Le travail a porté sur un groupe de phytoène désaturases portant des numéros différents. L’idée était de tester la robustesse de la classification, notamment lorsque ces enzymes sont utilisées hors de son contexte naturel, plus particulièrement pour des applications de reconstruction de voies de synthèse dans des microorganismes. L’équipe a analysé les relations évolutives de ces groupes de phytoène désaturases puis comparé ces données avec les réactions réellement effectuées par ces groupes d’enzymes, soit après production et purification dans un hôte microbien, soit lorsque les phytoène désaturases sont insérées dans une voie métabolique synthétique (reconstruction de la voie de synthèse du β-carotène chez la levure).

Les résultats montrent que la classification EC, dans le cas des phytoène désaturases, ne reflète pas complètement la réalité et que finalement, les réactions réalisées par ces enzymes sont une combinaison de leur évolution propre mais aussi des conditions biologiques dans lesquelles on mesure ces réactions, soit dans un tube avec des enzymes purifiées, soit lors justement de la reconstruction d’une voie synthétique dans un microorganisme. Ce phénomène provient notamment des réactions de compétition potentielles qui peuvent avoir lieu entre les différents enzymes de la voie. Ces résultats mettent en valeur que dans le cadre d’une utilisation biotechnologique (comme justement la production de β-carotène chez la levure), les autres enzymes de la voie de synthèse modifient de façon assez marquante les réactions réalisées par une phytoène désaturase. Finalement, cela revient à dire que la reconstruction de voies métaboliques avec certains types d’enzymes (ici les phytoène désaturases), il est plus important de maitriser l’ensemble des paramètres de reconstruction que de se fier complètement à la nomenclature existante.

Référence :

Multiplicity of carotene patterns derives from competition between phytoene desaturase diversification and biological environments

Mathieu Fournié & Gilles Truan

Scientific Reports volume 10, Article number: 21106 (2020)

https://doi.org/10.1038/s41598-020-77876-4