La période de « confinement total » dont nous sommes sortis nous a conduits, par nécessité, à nous tourner massivement vers un enseignement tout-numérique. Cela a certes été un succès, mais cela ne doit pas nous empêcher de voir que cet enseignement n’était pas idéal, côté enseignants, comme côté étudiants. De notre côté, le manque d’interactions directes avec nos étudiants nous a bien entendu manqué. Côté étudiants, il est parfois rapporté, de manière assez logique, des difficultés de concentration, une difficulté à vivre la coupure avec les pairs et, dans certains cas, des baisses de motivation.

Nous sommes nombreuses et nombreux à nous lancer dans une réflexion, au sein de groupes de travail spécifiques, sur des modalités d’enseignement pour la rentrée qui seraient « covid-compatibles » (sans connaitre en détails ce qui nous sera imposés). Pour cela, les solutions qui ont été mises en place lors du « confinement total » viennent le plus naturellement à l’esprit, sous la forme d’une utilisation massive des outils numériques. Cela est vrai dans notre établissement, mais également dans les autres établissements du Groupe INSA. En plus des inconvénients sus-citées, ce choix pourrait conduire à un achat massif de matériel informatique qui, une fois la crise passée, irait probablement rejoindre nos poubelles numériques déjà fort encombrées.

Pour notre part, nous avons cherché à réfléchir à des modalités qui seraient à la fois compatibles avec d’éventuelles mesures sanitaires assez strictes, mais qui ne seraient pas basées sur une utilisation augmentée des outils numériques. De plus, nous avons réfléchi à un modèle qui serait pour autant désirable, indépendamment des contraintes imposées. Afin d’alimenter les réflexions en cours, nous partageons ici une proposition de canevas général de fonctionnement, qui pourrait s’appliquer à l’ensemble des étudiants, quelle que soit leur année. Il serait particulièrement adapté aux cours théoriques. Concernant les TPs, les choses sont plus complexes, et ces principes généraux ne peuvent probablement pas s’y appliquer directement, en tout cas pas dans tous les cas. Nous y reviendrons.

Notre proposition est la suivante :

► Des groupes de 6 étudiants seraient formés, constituant la “communauté apprenante”. Comme une famille, ils seraient « confinés ensemble », et pourraient se voir autant qu’ils le souhaitent, de préférence chez eux pour éviter les nombreux problèmes de salle qui pourraient se poser sur notre campus. Éventuellement, pour les quelques groupes qui seraient dans l’impossibilité matérielle de se voir au domicile d’un.e des membres, nous réserverions des salles, peut-être de manière permanente. Ou bien les groupes seraient formés de manière à ce qu’il y ait au moins une personne dans chaque groupe en mesure d’accueillir les autres chez elle. Nous pensons que cette organisation sera robuste à toutes les restrictions sanitaires, mis à part le confinement strict.

► Nous distribuerions sous format papier à chaque groupe tout le matériel pédagogique dont nous disposons et que nous utilisons ou distillons parfois pendant les CM ou les TDs : livres, cours, polys, énoncés de TDs, indications de correction, trucs et astuces pour résoudre les problèmes, corrections détaillés de TDs, annales de partiel corrigées, auto-évaluations, etc… Ce matériel serait d’ailleurs réutilisable d’une année sur l’autre. Ce matériel étant distribué au groupe, il ne serait pas forcément nécessaire d’en donner un exemplaire par personne, étant donné que les étudiants ne travailleraient pas tous en même temps sur le même matériau. Les polys ou les livres, par exemple, pourraient éventuellement n’être distribués qu’en deux ou trois exemplaires par groupe.

► Les interactions entre enseignants et étudiants se feraient en présentiel, avec deux représentants de chaque groupe maximum, pas forcément les mêmes à chaque fois ni pour chaque matière, bien sûr. Les étudiants « représentant du groupe » rapporteraient les questions et interrogations du groupe sur le cours, les TDs, les partiels, etc… Il ne serait pas question pour l’enseignant, lors de ces séances, de faire un cours complet ou un TD, car les étudiants auraient travaillé auparavant. Ce mode de fonctionnement réduirait les effectifs étudiants d’un facteur 3, rendant possible l’utilisation de nos salles habituelles. De plus, nous pensons que le nombre de séances en présentiel serait notablement réduit par rapport au nombre de CMs et TDs d’un cours standard. Il devrait de toute façon l’être de manière à laisser le temps à nos étudiants d’étudier chez eux le matériau pédagogique que nous aurions distribués.

► L’évaluation se ferait de manière standard (interrogation individuelle, éventuellement en numérique s’il n’y a pas d’autre solution), mais la note finale de l’étudiant serait une moyenne entre sa note personnelle et la moyenne des notes du groupe (son propre résultat à une évaluation comptant donc pour 7/12 de sa note finale). Ceci inciterait donc à un véritable travail collectif et à une véritable entraide (certes intéressée, mais bon…) entre les étudiants du groupe.

Nous pensons que cette organisation serait bien plus désirable que les solutions basées sur l’enseignement numérique à distance, au cours duquel chaque étudiant est tout seul devant son ordinateur ou dans sa chambre. De plus, nous pensons que les interactions que nous aurons avec les étudiants lors d’une séance en présentiel seront très riches. Nous sommes persuadés que les « représentants des groupes », lors des séances en présentiel, missionnés par leur groupe pour ramener des informations, seront extrêmement assidus et impliqués. Et enfin, nous savons toutes et tous que réussir à transmettre demande que l’on ait relativement bien compris ; ainsi  le rôle d’étudiant/enseignant que nous confierons à nos étudiants dans ce mode de fonctionnement assurera une solidité des apprentissages. Nous n’avons pas identifié d’inconvénients majeurs à son déploiement, mis à part peut-être la nécessité, pour certains enseignements, d’acheter des livres.

Ce principe de fonctionnement pourrait également être appliqué à certains TPs, mais pas tous. Il serait adapté aux salles de TP qui ne sont occupées qu’une faible partie du temps. Dans ce cas, nous pourrions, là encore, ne faire les TPs qu’avec certains représentants du groupe. Cette séance « initiatique » de TP serait probablement plus longue, et permettrait de vérifier que les étudiants présents sont réellement capables de refaire le TP et de l’expliquer. Les étudiants pourraient revenir ensuite, au cours de la semaine, avec tout le groupe, afin de les encadrer pendant qu’ils le font. Lorsque cela est nécessaire pour des raisons de sécurité ou d’accès, un enseignant ou un.e membre du personnel technique pourrait être présent dans la salle lorsque les groupes y reviennent, mais il n’aurait alors aucun rôle pédagogique (ou alors très réduit), et pourrait vaquer à ses occupations. Pour prendre en compte le fait que certains étudiants suivraient un TP à la fois en tant qu’étudiant et en tant qu’« encadrant », le « programme » des TPs devrait être allégés d’environ 1/4 ou 1/3 (à volume d’heures passées en salle de TP par les étudiant constant), ce qui reste malgré tout, de notre point de vue, très raisonnable.

Pour les salles occupées une grande partie du temps (comme en 1A), ces principes ne pourraient s’appliquer directement, et d’autres solutions sont à inventer.

Nous espérons que ces propositions retiendront votre attention.

Cordialement,

Julian Carrey et Sébastien Lachaize